Les plateformes
numériques dévorent
la totalité des marchés

Les plateformes
numériques dévorent
la totalité des marchés

Les entreprises traditionnelles doivent agir

Le modèle économique des plateformes digitales créent une concurrence massive pour les structures économiques établies. Jusqu’à présent, ces modèles économiques sont à peine connus dans le management européen. kobaltblau a mené l’enquête.

Lorsque la première version d’Adobe Acrobat est sortie en 1993, la licence coûtait 50 $. Le format PDF n’avait pas encore été adopté à ce moment-là et le logiciel s’est vendu plus mal que bien. En 1994, Adobe a séparé ses logiciels en un logiciel de lecture en version libre  et une version payante professionnelle (création et modification de fichiers PDF). Les ventes ont explosé et tout le monde s’est demandé comment Adobe pouvait gagner de l’argent sans facturer de royalties ? La réponse : Adobe avait mis en place un marché à deux entrées et crée l’un des tous premiers modèles économiques basés sur les plateformes. Adobe a vu dans le logiciel Acrobat un moyen de réunir les lecteurs et les créateurs de fichiers PDF. Le fait d’offrir gratuitement Acrobat Reader a conduit à une augmentation explosive de la demande pour Acrobat Pro. Le plan d’Adobe a fonctionné, car en 2002, le nombre de téléchargements pour l’Acrobat Reader gratuit a été de 300 millions, pour l’Acrobat Pro payant de 50 millions. Le début d’un changement de paradigme économique s’est amorcé et, aujourd’hui, nombreuses sont les entreprises très performantes qui s’appuient sur une stratégie similaire. Les réseaux sociaux, les fournisseurs de cartes de crédit, les plateformes de trading ou les moteurs de recherche ont repris la stratégie avec succès. Il est remarquable que l’économie de plateforme en rapport avec la digitalisation ne soit pas un concept pour la majorité des dirigeants européens. Selon les études actuelles (par exemple celle du syndicat professionnel allemand Bitkom), au moins six directeurs généraux et membres du conseil d’administration sur dix ne connaissent pas ce terme.

La valeur ajoutée est élevée et les coûts de transaction faibles

Le modèle économique de la plateforme numérique consiste à rassembler différents groupes d’utilisateurs qui échangent des biens et des services entre eux (voir Fig. 1). Le fournisseur de plateforme fournit une infrastructure ouverte et permet l’échange, créant ainsi un moyen de générer davantage de valeur ajoutée pour les participants.

Il est étonnant de constater à quel point les coûts de transaction sont réduits par l’intermédiaire des plateformes numériques, comment les fournisseurs de plateformes deviennent de précieux intermédiaires, mais surtout de quelle manière fondamentale les relations de marché évoluent. Même les banques et les bourses historiquement établies sont aujourd’hui en concurrence avec des plateformes de négociation qui s’y substituent.

De plus en plus de volumes de transactions sont traités via les plateformes.- Cela a permis récemment l’émergence de tous nouveaux marchés. La contribution décisive du fournisseur de plateforme est de rester dans l’arrière-plan même, ce qui est connu sous le nom de Gig Economy. Par exemple, la startup londonienne Deliveroo réunit des restaurants, des coursiers à vélo et des consommateurs. Cependant, l’entreprise elle-même ne possède pas un seul vélo, une seule cuisine, et encore moins des cuisiniers. Les coursiers sont indépendants et sont payés à la livraison, l’infrastructure gastronomique est du ressort des restaurants, Deliveroo agissant seulement comme intermédiaire.

Les forts effets positifs de réseau positifs augmentent la valeur

Les effets de réseau forment également une partie du succès. Elles surviennent lorsque le bénéfice pour les clients individuels augmente avec le nombre total d’utilisateurs. Un réseau téléphonique dont la couverture est inférieure à 5 % du pays présente peu d’avantages pour les consommateurs. Les réseaux sociaux comme Facebook et Twitter sont basés sur le même principe, car le nombre d’utilisateurs génère ici de la valeur. A cela s’ajoutent des effets positifs de réseau indirects, ce qui signifie que chaque groupe d’utilisateurs bénéficie de la taille de l’autre groupe (voir Fig. 2). C’est par exemple le cas quand il existe d’un côté un groupe d’utilisateurs et de l’autre côté un groupe d’utilisateurs de service, comme par exemple dans le cas de la startup française bablacar.

Une chose est sûr : elles créent le besoin d’agir et que l’adaptation est possible. Ceci est démontré par le cas de Klöckner & Co, un négociant en acier et en métaux coté en bourse qui opère dans un secteur où les commandes sont souvent confirmées par fax. En 2015, Klöckner & Co a introduit une plateforme commerciale industrielle numérique qui a fondamentalement modifié les chaînes d’approvisionnement linéaires typiques. Au départ, l’entreprise vendait ses propres produits et services, mais l’étape suivante consistait à ouvrir la plateforme à la concurrence et à faire participer les tiers et les concurrents. L’entreprise a consciemment pris le risque de perdre des parts de marché au profit de ses concurrents. Mais les exigences du marché changent : “Si nous ne le faisons pas, quelqu’un d’autre le fera”, assure le PDG Gisbert Rühl. Aujourd’hui, le Groupe réalise environ 20 % de son chiffre d’affaires via la plateforme numérique, et ce chiffre devrait atteindre 60% d’ici 2022.

Le cadre nécessaire à un changement réussi

Bien que les fonctions des plateformes numériques puissent être variées et les groupes d’utilisateurs hétérogènes, certains éléments et fonctionnalités restent fixes. En utilisant le modèle proposé dans cet article par kobaltblau, les idées de plateforme numérique peuvent être mises en œuvre de manière structurée et à faible risque, même pour les entreprises dont le modèle économique est traditionnel.

1 – Quelle est ma stratégie ?

La première étape consiste à identifier un marché ou un segment de marché approprié. Cela doit inclure une analyse prévisionnelle de la valeur ajoutée de la plateforme pour ses participants au marché ainsi que la demande prévisionnelle. Ensuite, une relation à la stratégie commerciale fondamentale de l’entreprise doit être établie.

Il convient de préciser explicitement quelle est la source de la valeur ajoutée pour les acteurs de la plateforme. Est-ce un modèle économique axé sur les transactions ou les données ? La stratégie de plateforme doit être intégrée comme une partie intégrante de la stratégie de digitalisation de l’entreprise, en tenant compte des changements dans l’interface client ou de l’augmentation de l’efficacité par la digitalisation des processus. Enfin, le département systèmes d’information doit également en interne s’adapter à la nouvelle stratégie afin d’utiliser efficacement les synergies, par exemple en tenant compte des technologies et des compétences déjà à disposition.

2 – Qui sont les utilisateurs ?

L’idée commerciale de base est suivie par l’identification et l’analyse des groupes d’utilisateurs. Si les utilisateurs sont déjà connus, les transactions classiques entre ces groupes doivent être analysées.

Le niveau des coûts de transaction et leur répartition en coûts d’information, de recherche, de contrat et de négociation doivent également être déterminés.

3 – Quels sont les effets de réseau qui se produisent ?

Les plateformes numériques s’appuient sur des effets de réseau positifs directs et/ou indirects, mais tous les effets de réseau mentionnés ci-dessus doivent néanmoins être soigneusement analysés, car ces forces déterminent de manière décisive leur développement et leur dynamique.

4 – Quel est le prix ?

L’étape suivante consiste à déterminer les structures de prix. De nombreuses plateformes numériques se caractérisent par une tarification asymétrique, ce qui signifie que les opérateurs de plateformes subventionnent un côté du marché (côté subvention) et en facturent un autre (côté revenus). Dans le cas d’Adobe, les utilisateurs d’Acrobat Reader ont été subventionnés et les utilisateurs d’Acrobat Pro ont dû s’acquitter d’un prix relativement plus élevé en contrepartie. Le mot-clé est  « effets croisés » : si le groupe d’utilisateurs subventionnés augmente, la plateforme devient plus attractif pour le groupe d’utilisateurs qui subventionne. La volonté de payer augmente et la décision de subventionner un côté du marché est essentielle à la création d’un concept de vente et de revenu. Dans cette étape, les erreurs peuvent avoir des conséquences fatales.

5 – À quoi ressemblent les stratégies de survie ?

Alimentées par la promesse d’économies d’échelle croissantes, les plateformes numériques se retrouvent souvent dans une concurrence acharnée qui se termine par une monopolisation du marché par celui qui a en général mis le plus de moyens, comme c’est actuellement le cas avec les trottinettes électroniques. Sans une stratégie de survie claire, le succès reste incertain et l’initiative peut rapidement échouer à grands frais. Avec la dynamique  « the-winner-takes-it-all », les marges à deux chiffres ne sont pas rares, comme c’est le cas pour Amazon mais les coûts d’entrée pour la mise en place d’une position de monopole sont énormes.

Les idées proposés servent de bouée de sauvetage et de positionnement dans la dynamique du marché :

a) le contrôle de la qualité, par exemple en limitant l’accès à la plateforme : Le côté du marché subventionné est généralement sensible aux changements de prix et de qualité. De nombreux opérateurs de plateformes sous-estiment cet aspect et se concentrent entièrement sur l’aspect financier, oubliant que la volonté de payer dépend de la taille et la qualité du groupe d’utilisateurs subventionnés. Par conséquent, la restriction de l’accès à la plate-forme peut être une stratégie efficace. Apple et Amazon, par exemple, utilisent des mécanismes de notation et de réputation pour assurer la qualité de leurs offres. Uber s’appuie sur un système de notation bilatéral dans lequel les conducteurs et les clients s’évaluent mutuellement.

b) le point de basculement, ou encore masse critique : La croissance est cruciale dans les marchés de plateforme, sinon vous risquez votre propre disparition. La part de marché n’est pas seulement déterminante pour les ventes, elle est aussi la source d’un avantage concurrentiel. En raison de leur forte dynamique, les marchés de plateforme sont susceptibles d’être monopolisés, de sorte qu’une stratégie de croissance claire est essentielle pour leur survie. Dans la mécanique de point de basculement, il ne s’agit pas forcément d’être le plus fort sur la durée, mais d’effectuer un sprint si important dans la croissance que cette vitesse constitue elle-même la barrière à l’entrée.

c) la différenciation ou niche : Les compétences numériques permettent aux concurrents de pénétrer rapidement de nouveaux marchés et de supplanter les entreprises qui y sont basées sur un modèle traditionnel. De plus, de très nombreux marchés courent actuellement le risque de changements massifs ou d’effondrement à tout moment. Le marché des télécommunications, par exemple, a été modifié en permanence par la téléphonie sur Internet et des solutions telles que Skype for Business. Les plateformes sont donc bien avisées de se différencier par leur gamme de services ou de pénétrer des marchés de niche. Pour éviter les coûts afférents à un point de basculement trop important, on peut donc limiter la taille du marché d’un côté ou de l’autre, pour différencier l’offre.

6 – Lancer des projets pilotes

La dernière étape consiste en des projets pilotes qui testent le marché et minimisent le risque. Les résultats et les commentaires des clients qui en découlent décident de la suite des opérations.

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